Entretien avec Lydie Mougin, Assistante en Soin et Santé Communautaire (ASSC) au sein du RHNe. Au cours de cette interview, elle a éclairé les distinctions entre les ASSC et les infirmier·ères, les défis salariaux récemment rencontrés, ainsi que les possibles conséquences sur la qualité des soins.
La profession d’Assistant·e·s en Soin et Santé Communautaires (ASSC) est relativement récente et encore peu connue, pouvez-vous nous décrire vos missions ?
Cela fait plus de 15 ans que la profession d’ASSC existe en Suisse, mais elle reste un peu mystérieuse aux yeux du grand public. Elle était auparavant mieux reconnue sous le nom d’Infirmier·ère Assistant·e, titre qui a été remplacé par Assistant·e·s en Soin et Santé Communautaire. Cette dénomination n’est pas facile à retenir pour les patients et leurs familles. Lorsque nous nous présentons auprès d’eux en tant qu’ASSC, nous devons quasiment systématiquement définir ce que signifie cette abréviation et ce qu’elle engage dans notre rôle à leur égard.
L’Assistant·e·s en Soin et Santé Communautaire prend en charge le patient dans sa globalité, c’est-à-dire comprenant les soins de base et d’accompagnement ainsi que les soins médico-techniques, et ce de façon autonome en suivant les prescriptions médicales dans le cadre des compétences qui sont les siennes.
Qu’est-ce qui vous distingue d’un·e infirmier·ère ?
C’est le temps de la formation qui nous distingue d’un·e infirmier·ère. La formation d’ASSC est plus courte que la formation d’infirmier·ère et est validée avec un CFC, soit en apprentissage, soit en cours d’emploi sur la base de l’article 32.
Un·e infirmier·ère est formé·e dans une haute école spécialisée ou une école supérieure et reçoit un Bachelor à la fin de son cursus d’études. Son niveau de compétences techniques est plus large que celui d’une ASSC.
Comment avez-vous, ainsi que vos collègues, réagi face aux difficultés pour obtenir la compensation du renchérissement ?
Nous avons protesté et finalement nous sommes vu octroyé une compensation de 2,2% pour l’année 2024, mais il reste toujours les 1% du premier semestre de 2023 qui sont passés aux oubliettes. Nous avons une nouvelle fois manifesté notre mécontentement face à cette façon de traiter le personnel soignant dont on ne cesse de souligner l’alarmante pénurie. Tout cela indique un manque évident de sincérité et de reconnaissance pour notre corps de métier. Devoir manifester année après année afin qu’on nous octroie une compensation légitime prouve que rien n’est acquis pour ce qui est de notre reconnaissance. Le personnel soignant s’essouffle – beaucoup quittent le métier pour des raisons de pénibilité du travail, de salaires insuffisants, d’horaires irréguliers, sans compter nos présences de nuits et de week-ends impactant nos vies sociales : un ensemble d’éléments négatifs qui finit par décourager les plus motivés d’entre nous, y compris ceux qui avaient choisi ce travail par vocation.
Dans quelle mesure pensez-vous que la situation actuelles des soignants pourrait avoir des répercussions sur la qualité des soins fournis, et comment cela pourrait-il affecter les patients ?
Il est évident que, compte tenu des éléments négatifs résumés ci-dessus, peu de jeunes sont séduits par les perspectives qu’offre le métier et que conséquemment de moins en moins de soignants sortent de formation chaque année ; en y additionnant ceux qui déposent définitivement leurs blouses en cours de route, il y aura forcément des conséquences sur la qualité du travail fourni. De moins en moins de bras pour satisfaire une demande permanente avec une diminution de la qualité qu’exige nos postes au service de l’Humain. Il faut agir vigoureusement pour redresser la barre en mettant en place des mesures d’attractivité pour rendre à nouveau motivant ce joli métier qu’est “le prendre soin”.
Quels projets ou initiatives souhaiteriez-vous voir instaurés pour améliorer les conditions de travail et renforcer la reconnaissance des ASSC ?
Nous avons la chance d’avoir la profession d’ASSC en Suisse. Ce métier est une spécificité helvétique et n’existe nulle pas ailleurs. Il faut le reconnaître et le mettre en valeur. Former plus qu’on ne le fait actuellement et comme on l’a mentionné plus haut, l’ASSC a des compétences pour prendre un patient dans sa globalité. Compte tenu que l’infirmier·ère en milieu hospitalier a de plus en plus de charges de travail (notamment dans la mise à jour des dossiers informatiques des patients), le ou la faire travailler en binôme avec l’ASSC permet la continuité et assure une qualité des soins permanente. Par la même occasion, cela contribue à faire reconnaître à sa juste valeur la profession d’ASSC à la population.