Dans cette interview, nous avons échangé avec Madame Claudette Francoeur, une membre des commissions de la CCT aujourd’hui à la retraite. Elle y partage avec nous ses motivations et les défis rencontrés.
Vous avez été membre des commissions de la CCT pendant près de 20 ans, quelles étaient vos motivations pour les rejoindre à l’époque ?
Originaire du Québec où tous·tes les employé·e·s des secteurs public et parapublic sont syndiqué·e·s, j’ai rejoint les commissions de la CCT avec pour objectif d’apporter ma contribution au secteur de la santé cantonal qui ne possédait pas encore de conventions collectives de travail. Je souhaitais aussi en apprendre davantage sur les politiques des établissements qui me semblaient très disparates.
Comment la CCT s’est-elle adaptée aux changements constants dans le domaine de la santé ?
Les avancées médicales sont souvent mises en avant, mais il est crucial de reconnaître que d’autres évolutions (technologiques, administratives, politiques) impactent aussi le personnel et les soins prodigués. La CCT met l’accent sur la protection des travailleurs et une rémunération équitable, en utilisant notamment un système d’évaluation instauré et perfectionné depuis des années. De même, un mécanisme de contrôle de l’application de la CCT au sein des institutions garantit le respect de l’objectif d’harmonisation des conditions de travail. La vie professionnelle est souvent difficile, marquée par les horaires, la charge administrative croissante et le manque de personnel, autant de facteurs générateurs de tensions sur le lieu de travail. Le dispositif de protection de l’intégrité personnelle (DPI) permet aux employé-e-s de déposer une problématique, de comprendre la situation et de trouver des solutions pour y remédier. Cependant, bien qu’existant depuis le début de la CCT, ce service demeure, à mon avis, sous-utilisé.
En tant qu’infirmière active sur le terrain, quels défis majeurs avez-vous rencontrés au sein des commissions ?
En tant que membre du Syndicat des Services Publics (SSP), je défends autant l’intendance et la logistique que le secteur « soins » ou plus particulièrement les infirmières. Le défi réside dans le maintien de la cohésion du système en fonction des divers besoins, principalement liés aux intérêts financiers des deux parties. Les systèmes de financement posent des questions complexes aux employeurs, tandis que les employés luttent pour une rémunération équitable et des conditions de travail propices à une qualité de soins optimale.
La santé ne génère pas de revenus, mais engendre des dépenses ! Nous sommes régulièrement critiqués par certains politiques pour des raisons financières. On aspire à des soins de qualité et efficaces, tout en souhaitant qu’ils soient gratuits. Le temps des vocations est révolu. Le dévouement demeure, mais il a un coût.
Pendant votre mandat, quels ont été les principaux enjeux de négociation lors des révisions de la CCT, et comment ont-elles abouti à des résultats bénéfiques pour les parties prenantes ?
Il ne faut pas se mentir, les enjeux ont toujours été financiers.
Si, avec toute leur bonne volonté, les employeurs veulent offrir les meilleures conditions possibles au personnel, ils sont limités par les dispositions légales en vigueur, les politiques cantonales et les décisions de leurs conseils d’administration ou de fondation.
En 2017, grâce à une votation populaire, nous avons préservé notre CCT, contestée par certains milieux politiques pour son coût présumé élevé. Ce soutien témoigne de la prise de conscience de la population quant à la valeur du travail fourni et aux besoins en prestations.
Lors des dernières négociations, les employeurs ont demandé une annualisation du temps de travail, mesure qui permet une certaine souplesse dans la planification. Nous avons négocié un accord encadrant cette annualisation, mais le défi consiste à le mettre en œuvre pour préserver le personnel, parfois même contre sa volonté.
Actuellement, le défi principal est le maintien du pouvoir d’achat du personnel de santé qui n’a pas eu droit au même taux de renchérissement que les autres personnels des secteurs public et parapublic.
Quelle est votre vision de l’avenir pour la commission faîtière de la CCT ? Quels sont les défis et les opportunités qui l’attendent dans le futur ?
Le rapport au travail a évolué, nécessitant des conditions en phase avec les besoins des jeunes. Ces derniers recherchent davantage de liberté et de flexibilité pour préserver leur vie personnelle, tout en aspirant conjointement à une rémunération adéquate.
On sait depuis longtemps qu’il y aura un manque important de personnel de soins dans les prochaines années. Les employeurs font face à un haut taux de roulement et des difficultés de recrutement. S’il ne sort pas assez de soignants des écoles, on a aussi tous ces gens qui changent d’orientation professionnelle.
Côté employé·e·s, le défi sera de négocier des conditions de travail qui maintiennent le bien-être et la motivation au travail. Encore une fois, ceci a un coût et il nous faudra être inventif vis-à-vis des parties prenantes pour les informer sur les conséquences de ce manque de personnel.