Ensemble, nous apportons structure et enveloppement (2/2)

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Suite et fin du portrait croisé de France Cadieux et de Camille Morgenthaler, psychologues du travail au RHNe.

Comment le recours à la psychologie du travail est-il perçu au sein de d’hôpital ?

France Cadieux : Consulter un psychologue n’est pas toujours chose aisée, d’autant plus lorsqu’on est soi-même soignant. Un certain nombre de personnes qui consultent attend le dernier moment ; elles sont déjà à la limite de craquer. Il y a beaucoup de fausses croyances de type « Si je consulte c’est que je suis fou » ou alors dans le cadre de l’institution « Si je parle, tout le monde sera au courant ».  La confidentialité est garantie.  Pour certains nous contacter ne pose aucun problème alors que pour d’autres un vrai travail de déconstruction peut être nécessaire pour lever les craintes et établir la confiance.

Camille Morgenthaler : Je dirais que l’on est toujours accueillies avec une bonne curiosité, mais il y a quand même une certaine méconnaissance de nos rôles et de la psychologie du travail en général. Lorsque les gens pensent aux psychologues, ils pensent en premier lieu à ceux qui pratiquent la psychothérapie individuelle.

Pour ma part, je ne rencontre pas les difficultés liées à la pathologisation auxquelles France est confrontée. Je pense que le fait de poser des questions très précises sur les tâches de chacun lorsque j’interviens auprès d’une équipe permet aux collaborateurs de mieux comprendre ma démarche. L’organisation est plus concrète que la souffrance émotionnelle, cela rassure. Finalement, les personnes aiment généralement parler de leur travail et j’aime découvrir leurs activités, l’échange est sincère et permet de construire la confiance.

Vous êtes là pour accompagner les collaborateurs, mais partagez le même employeur. Cela les décourage-t-il parfois de faire appel à vous ? 

Camille Morgenthaler : Le fait que nous soyons affiliées au département des ressources humaines peut évidemment générer quelques craintes. Une fois bien établi que la confidentialité est garantie et qu’aucune information n’est divulguée sans accord préalable, la confiance s’installe petit à petit.

Chaque site est un peu comme une petite ville, avec ses différents acteurs, ses richesses et ses attentes. Nous essayons de prendre cela en compte pour accompagner nos collègues au mieux.

France Cadieux : Il y a aussi un effet de bouche à oreille, une personne qui est venue nous voir et s’est sentie soutenue sera plus encline à encourager ses collègues à venir. Pour ce qui est des soutiens individuels, offrir un espace au sein de l’institution pour déposer sa souffrance et que celle-ci est reconnue est essentiel. Le simple fait d’être écouté fait du bien. En outre, soignants et médecins accumulent tous les risques psychosociaux. Donc il est d’autant plus important d’être en soutien.

L’image de la psychologie du travail a évolué ces dernières années ?

Camille Morgenthaler : Je dirais que la discipline se diffuse et se démocratise, on trouve de plus en plus de psychologues du travail dans des domaines différents.

Avec l’association « Psy4work », il y a une vraie démarche de professionnels qui travaillent sur une définition des compétences et des tâches dans la psychologie du travail. Elle promeut également la formation auprès des spécialistes de la branche en Suisse romande et les aide à rester informés des nouveautés.

France Cadieux : D’un point de vue général, notre discipline est de plus en plus reconnue. La psychologie du travail et les sujets de recherche évoluent notamment en fonction de l’actualité, du développement des nouvelles technologies et formes de travail, du contexte sociétal dans lequel ils s’inscrivent.

Un aspect intéressant de la psychologie du travail dans le domaine hospitalier, c’est la variété des corps de métiers, des cultures et expériences différentes. On est amenée à collaborer avec énormément de profils différents.

Selon vous, quelles ont été les incidences de la crise sanitaire sur le travail et sur la santé des professionnels du domaine médical ?

Camille Morgenthaler : D’un point de vue organisationnel, même si les choses fonctionnaient avant la crise, cette dernière a participé à la cristallisation et à la polarisation de certaines difficultés. La fatigue s’est installée dans les équipes qui ont été très solidaires au moment de la crise, mais qui sont maintenant à bout de ressources.

Il y a une exacerbation du besoin de sens au travail et de certaines souffrances qui ont dû être réprimées pendant la pandémie. Il n’y avait pas le choix, il fallait être là. Les collaborateurs ont aujourd’hui de grandes attentes quant à ce qui va être fait par les autorités.

France Cadieux : Il y a eu une grande solidarité dans les équipes durant la pandémie. Le contrecoup au sortir de la crise semble plus difficile à vivre et à gérer. Il y a beaucoup d’épuisement et aussi une crise du sens. La pandémie n’a fait qu’exacerber une souffrance qui était déjà bien présente. À présent il y a une autre crise : celle du système de la santé qui arrive à bout en Suisse et ailleurs aussi.

Le milieu hospitalier est dur et passionnant à la fois car il est d’une extrême richesse.