Notre partenariat avec l’État est essentiel car nous représentons une des voix qui provient du terrain

Interview de Christelle Haussener, Secrétaire générale de l’ASI pour les cantons de Neuchâtel et du Jura, qui nous parle des missions de l’ASI et de la place de l’infirmier et de l’infirmière dans le système de santé. Bonne lecture!

Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis infirmière diplômée depuis 2000. Après des années de pratique en dispensaire, chirurgie, médecine et dialyse, j’occupe le poste de Secrétaire générale de l’ASI pour les cantons de Neuchâtel et du Jura à 50% que je concilie avec mon activité d’infirmière indépendante à domicile à environ 40-50%. De plus, je suis actuellement en formation : un CAS en évaluation clinique dans une HES.

Quelles sont les principales missions de l’ASI ?

L’ASI est une association professionnelle qui représente les infirmiers et les infirmières au niveau suisse et cantonal. Nous comptons plus de 26’000 membres : c’est la plus grande association du domaine de la santé en Suisse. Nous nous occupons de la profession infirmière de A à Z, de la formation au cursus professionnel en passant par les conditions de travail. Une de nos principales missions ? Intervenir au niveau politique. Nous sommes, par exemple, en contact régulier avec les Départements de la santé et de la formation du canton de Neuchâtel et du Jura pour débattre et donner nos opinions sur tous les sujets en lien avec la profession infirmière. Nous avons d’autre part un mandat syndical important, car nous représentons le monde infirmier dans les négociations des conditions de travail comme celles de la CCT Santé 21, pour ne citer que cette convention. Nous sommes aussi signataires de 3 autres CCT.

Vous évoquez le politique. Sur quels dossiers êtes-vous consultés ?

Le monde politique nous sollicite pour toutes les questions relatives au monde des infirmiers et des infirmières. Nous sommes reconnus comme association professionnelle. Ce partenariat avec l’État est essentiel et constructif car nous représentons une des voix qui provient du terrain. Au quotidien, nous sentons le pouls du dispositif de santé. Nous nous positionnons tant sur la loi sur les professions de santé, celle sur le dossier électronique du patient que sur la réorganisation hospitalière ou la planification médico-sanitaire neuchâteloise.

Vous parlez aussi d’un mandat syndical. Pouvez-vous en dire plus ?

L’ASI conseille, oriente et soutient ses membres. S’ils ont une question sur leurs droits ou sur les articles ou règlements de la CCT Santé 21, nous les renseignons et défendons leurs intérêts. Il peut nous arriver de solliciter un avis juridique auprès de nos avocats conseils spécialisés en droit du travail et de la santé. C’est une prestation gratuite pour nos membres. Si d’aventure une procédure est engagée, les frais d’avocats sont également pris en charge par notre association.

Au niveau fédéral, une initiative populaire « Pour des soins infirmiers forts » a été déposée par l’ASI. Pourquoi ?

Depuis l’introduction en 2012 d’une nouvelle logique de tarification hospitalière, nous constatons une pression sur les hôpitaux et donc aussi sur les conditions de travail et les dotations en personnel partout en Suisse. Les hôpitaux sont payés au cas. Pour être rentable, il faut donc aller le plus vite possible avec moins de personnel. L’initiative de l’ASI permet de soulever le problème de la péjoration des conditions de travail qui a alors un impact sur la qualité des soins. L’initiative relève aussi la pénurie du personnel infirmier en Suisse et veut sensibiliser les cantons à former plus d’infirmiers et infirmières au lieu d’aller puiser dans les pays voisins.

Dans l’initiative, vous affirmez qu’un statut d’infirmier renforcé permet de réaliser des économies. Vraiment ?

Plutôt qu’un statut renforcé, il s’agit de redonner l’autonomie qui est la leur aux infirmiers et infirmières.  Dans notre système de santé l’infirmier a un rôle pilier grâce au champ de compétences qui lui est propre. Ces professionnels participent à la réalisation d’économies, ne serait-ce qu’au travers de l’une de leur mission de prévention et promotion de la santé par exemple en diminuant les hospitalisations parce que les problèmes de santé auront été identifiés en amont. Pour cela, il est nécessaire qu’un infirmier ou une infirmière intervienne rapidement  dans les situations de soins notamment à domicile afin d’identifier les alertes cliniques de péjoration du patient et ainsi mettre en place des soins et des intervenants adaptés (physio, ergo…). Cette prise en charge globale permet souvent d’éviter des hospitalisations qui ne sont pas nécessaires. Ce statut devrait aussi être reconnu comme tel dans la LAMal parce que nous les infirmiers et infirmières ne sommes pas les auxiliaires des médecins, mais il s’agit bien de collaboration étant donné nos champs de compétences complémentaires. Le 9 mars, le Conseil Fédéral a signifié le rejet de l’initiative mais l’ASI ne va pas retirer son initiative aussi facilement sans avoir des solutions concrètes.

D’où l’importance d’une formation des infirmiers et des infirmières ?

En effet. Aujourd’hui, une infirmière qui sort d’une HES possède un excellent niveau de formation. C’est pour cela que nous encourageons tous les infirmiers et infirmières à entreprendre aussi des formations continues pour qu’ils habitent pleinement leurs compétences et développent leur expertise. Je le répète, notre conviction est qu’une infirmière bien formée, évoluant dans un système de santé qui lui accorde sa vraie place, peut dispenser des soins de qualité à un moindre coût. C’est fondamental.