«En informant le personnel et en lui procurant quelques astuces, nous évitons des cas plus graves»

Connaissez-vous le dispositif anti-harcèlement? Sa mission et son fonctionnement? Interview de Marc Rosset, médiateur en charge du dispositif anti-harcèlement à la CCT Santé 21.

Dans son information du mois de février, la CCT parle de l’organisation de séances de sensibilisation à l’attention du personnel. De quoi s’agit-il ?

Le dispositif anti-harcèlement mis en place par la CCT Santé 21 comprend une dimension d’intervention et une dimension de sensibilisation. Que signifie intervention ? C’est traiter les situations conflictuelles de harcèlements et de souffrances professionnelles. Quant à la prévention, pour revenir à votre question, nous sensibilisons les employés aux problématiques liées aux risques psycho-sociaux. Le but ? Éviter que des situations délicates ne dégénèrent et responsabiliser les gens.

Qu’entendez-vous par sensibiliser les employés ?

À la demande des institutions membres de la CCT, nous organisons des modules de deux heures destinés aux employés. D’abord, nous avons un devoir de clarification. Nous expliquons clairement ce que recouvre, en droit suisse, les termes harcèlement psychologique et harcèlement sexuel. C’est très précis et restrictif. Nous ne pouvons pas crier au harcèlement quand nous sommes en désaccord avec notre responsable. Ensuite, nous les sensibilisons sur les mécanismes qui conduisent au conflit. Le but ? Les comprendre et les prévenir. Dans plus de 40% des cas, le harcèlement découle d’un conflit qui n’a pas été réglé.

Vous sensibilisez uniquement les employés ?

Non, nous nous adressons également aux cadres, à la différence que pour eux le module de sensibilisation est obligatoire. Nous reprenons le module de deux heures destiné aux employés et la troisième heure nous les rendons attentifs au fait qu’ils doivent traiter les plaintes. C’est trop souvent banalisé. C’est une de leurs responsabilités et ils doivent l’assumer. Nous leur donnons également quelques astuces pour les traiter de manière professionnelle. Je le répète, traiter une plainte, c’est éviter que la situation se dégrade.

Vous leur prodiguez des conseils sur la manière de conduire un entretien ?

En effet, nous dispensons également un cours de techniques d’entretien. C’est fondamental. C’est un cours d’une journée pour les aider à mener des discussions dans des situations délicates. Dans ces moments, tout est important. Rappeler que l’entretien est confidentiel, par exemple. Et adopter une attitude respectueuse et un comportement appropriés quand vous êtes face à la souffrance ou à l’inquiétude.

Vous avez auparavant évoqué l’aspect restrictif du droit suisse en matière d’harcèlement. Pouvez-vous en dire plus ?

En droit suisse, nous parlons d’harcèlement psychologique quand il y a des agissements fréquents et répétés pendant une certaine durée sur une seule personne. Il y a donc peu d’harcèlement psychologique au sens de la loi. En ce qui concerne le harcèlement sexuel, la loi évoque des comportements isolés ou répétés qui portent atteinte à la dignité de la personne. Donc une seule plaisanterie créant un malaise peut tomber sous le coup de la loi.

Quels sont vos conseils ?

 Il est nécessaire de faire attention à ce que l’on dit. Les employés ont l’obligation d’entretenir un bon climat de travail. C’est inscrit dans la CCT Santé 21. Cela me semble normal. Et nous rappelons aussi que les gens qui se sentent offensés doivent absolument l’exprimer et peut-être dire « Je me sens blessé par ta remarques » plutôt que « Tu es un harceleur ». Cela laisse une place aux excuses et au changement de comportement, dans la douceur.

Constatez-vous une augmentation du nombre de cas ?

Le nombre de cas est relativement stable. Cela représente 1% par rapport au personnel, donc entre 60 et 70 dossiers. Ce qui m’inquiète plus c’est la montée de l’individualisme dans notre société du smartphone. Le Moi est au centre et tout le monde désire tout et tout de suite. Le communautaire est en danger. Pour le monde du travail, communautaire par définition, cela représente un problème.

Quelle est votre priorité actuellement ?

De faire connaître ce dispositif. Nous remarquons qu’en informant le personnel et en leur procurant quelques astuces nous évitons des cas plus graves. Un personnel sensibilisé à ces problématiques est plus à même de bien vivre ensemble.