Interview de Christophe Koller

En dehors de ses collaborations avec l’IDHEAP, Christophe Koller dirige  ESEHA, le Centre d’expertises-comparatives-conseils: Administration – Etat – Société – Economie – Histoire depuis juin 2013. Il est également responsable de la base de données des cantons et des villes suisses CHStat.ch.

Quel est en bref votre parcours professionnel?

Je suis licencié en Sciences économiques de l’Université de Genève et j’ai obtenu un doctorat à l’Université de Berne. J’ai travaillé dans le domaine de la santé via des études pour le compte de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et de l’IDHEAP.

Qu’est-ce que l’IDHEAP, l’institut mandaté pour réaliser l’étude de référence sur la CCT Santé 21?

L’IDHEAP est un institut rattaché à l’Université de Lausanne. Il dispense un enseignement et réalise des recherches, des études ou des expertises dans le domaine de l’administration publique et des sciences administratives. Cet institut mène chaque année de nombreuses études de politiques institutionnelles. C’est une marque de fabrique en Suisse romande.

Comment avez-vous procédé pour votre étude?

C’est un sujet complexe qui demande une méthodologie rigoureuse. Nous avons combiné les approches, quantitative et qualitative, pour cerner le sujet.

Pouvez-vous nous donner quelques détails?

Oui, bien entendu. Nous avions des données disponibles à l’OFS – Office fédéral de la statistique – et à l’Office fédéral de la santé publique. Nous les avons complétées en menant une enquête ad hoc pour connaître le taux de couverture des neuf cantons de référence de l’étude, c’est-à-dire des cantons qui ont des similitudes avec Neuchâtel (BE, BL, FR, GE, JU, SO, TI, VD, VS). Enfin, l’analyse multivariée n’indique pas une causalité entre la présence ou non de CCT et les coûts de la santé. Les causes de l’augmentation des coûts sont multiples et touchent tous les cantons.

Vous êtes-vous restreints à des analyses chiffrées?

Non, évidemment. L’étude aurait été incomplète. Nous avons conduit 23 entretiens avec tous les principaux acteurs de la santé neuchâteloise. Des discussions ouvertes pour encore mieux comprendre les finesses du monde de la santé pour tous les types d’employeurs retenus: hôpitaux, EMS, Spitex.

Cette CCT est-elle responsable des surcoûts de la santé neuchâteloise?

Les comparaisons effectuées permettent de tempérer fortement les affirmations  – ou croyances  – selon lesquelles cette CCT aboutit à d’importants surcoûts. Ceci s’explique par le fait que les salaires neuchâtelois sont significativement et historiquement plus faibles que la moyenne des autres cantons dans ce secteur, dès lors compensés par d’autres avantages. In fine les rémunérations sont équilibrées par rapport aux cantons de référence. C’est d’ailleurs un des objectifs de cette CCT: harmoniser les conditions du canton afin de stabiliser le personnel et d’éviter le dumping salarial en raison de la pression du personnel frontalier.

Mais à quoi sont dus les coûts de la médecine neuchâteloise?

Ce n’est pas l’objet de notre étude. Le contexte démographique du canton est spécifique, avec une démographie «défavorable». Représentation supérieure à la moyenne nationale des jeunes et des personnes âgées. L’organisation du monde médical y également particulière. Cela tient à des facteurs historiques et politiques, mais encore une fois ce n’était pas l’objet de notre étude. Dans nos recommandations, nous avons plutôt conseillé d’augmenter les salaires de certaines fonctions très spécifiques afin de rester attractif.

La rigidité de la CCT est parfois dénoncée?

Je peux juste répondre qu’en comparaison intercantonale ce n’est pas correct. En revanche, nous avons constaté qu’il existait des possibilités de flexibilité offerte par la CCT parfois ignorées par certains établissements. Nous avons donc recommandé de mieux communiquer. Il est à noter que cette étude a été menée en parallèle aux négociations de la quatrième mouture de la CCT.

À titre personnel, que pensez-vous de cette CCT?

Je ne réponds pas à cette interview à titre personnel, mais professionnel. Mais saviez-vous que le modèle suisse de la paix du travail trouve ses origines dans l’Arc jurassien? À la fin du XIXe siècle, bien avant la Paix du travail signée en 1937, les principaux acteurs économiques se sont assis autour d’une table. Patrons, syndicats et représentants de l’État décident d’assurer la paix du travail pour mieux combattre la concurrence étrangère dans l’horlogerie. Ils ont une conviction: la Paix du travail est la meilleure méthode afin de protéger le secteur, éviter des conflits et réaliser ainsi des économies.