Soutenir les adolescents en période de crise.

Es’Capad est un service de soins infirmiers en psychiatrie pour enfants, adolescents et adultes jusqu’à 50 ans. Rencontre avec Céline Biétry-Kyburz, fondatrice et responsable de cette structure privée de 8 infirmiers qui traite près de 160 patients chaque mois.

Vous avez fondé Es’Capad en 2010. Pourquoi?

Je suis infirmière en soins psychiatrique et je travaillais dans une institution neuchâteloise. J’ai alors constaté qu’il manquait une structure de prise en charge entre l’hospitalisation et le suivi d’un psychiatre ou d’un psychologue. Quand un adolescent traverse une crise aiguë, il me paraissait important de ne pas le lâcher dans la nature car parfois, avant d’obtenir un rendez-vous chez un pédopsychiatre, il fallait attendre plusieurs semaines ou mois. Je connaissais également des situations d’adolescents qui n’étaient pas suivis et que personne ne semblait pouvoir aider en situation de crise. (Psychologue, médecin de garde, police, ….) Les parents étaient démunis. Ce constat m’a poussé à fonder Es’Capad.  Aujourd’hui, les gens prennent directement rendez-vous avec nous.

Justement, comment prendre rendez-vous?

C’est très simple, il suffit de nous téléphoner ou de nous envoyer un Email après avoir obtenu l’accord d’un médecin qui signera la prescription de soins infirmiers.  Rien de plus (rire). Il n’y a pas de prérequis. Actuellement, nous suivons de nombreux adolescents. Ils nous contactent directement, parfois ce sont leur famille, leur professeur ou leur médecin traitant. Notre mission est d’intervenir sans délai, de comprendre la problématique et d’offrir une série de solutions concrètes pour gérer la crise et proposer des pistes d’amélioration rapide. En tant qu’infirmières, nous ne pouvons pas poser de diagnostics, prescrire de médicaments ni médicaliser, mais nos connaissances et notre expérience nous permettent de stabiliser ou de résoudre dans les 4 à 6 mois l’énorme majorité des cas. Nos soins sont pris en charge par les assurances maladie de base.

Existe-t-il de nouvelles pathologies chez les adolescents?

L’adolescence est une période de transition et donc de troubles. La situation n’est ni meilleure ni pire qu’il y a 20 ans, mais le contexte a évolué et il génère d’autres problèmes. Les enfants et adolescents ont toujours un immense besoin d’être écoutés et entendus. Mais pour répondre à votre question, je dirais que je perçois une très grande crainte face à la sexualité et une augmentation du harcèlement dû aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, un adolescent est toujours connecté. Quand il rentre chez lui et ferme la poste de sa maison, les brimades ou les calomnies peuvent continuer jusque dans sa chambre. C’est un danger lié aux changements technologiques qu’il ne faut pas sous-estimer.

Qu’entreprenez-vous dans ces cas?

Nous les aidons à mieux gérer leurs émotions et à mettre en place des stratégies pour mieux communiquer avec leur entourage. La plupart du temps ce n’est pas compliqué à surmonter quand vous adoptez la bonne attitude avec les bonnes réactions. À quoi faut-il être attentif en tant que parent ? Aux changements d’attitude de votre enfant. Il faut rester attentif sans être catastrophiste. Quand un adolescent se renferme subitement et qu’il ne voit plus ses amis, il faut poser des questions tout en respectant l’intimité.

Être des infirmiers en psychiatrie et pas des psychologues, est-ce une aide?

Peut-être, je ne sais pas. Notre métier est différent. Parler à un infirmier ou une infirmière rend le premier contact plus aisé. Le psy reste parfois un tabou pour les jeunes. Je perçois notre travail comme complémentaire à l’offre existante dans le monde socio-sanitaire. Nous connaissons notre champ de compétences et nous n’hésitons pas à aiguiller les patients vers des spécialistes si cela s’avère nécessaire. Nous n’avons pas vocation à remplacer l’offre psychiatrique, mais à intervenir de manière rapide et ciblée pour solutionner des périodes de crise. Et cela fonctionne !