Le personnel est considéré ici comme un « visiteur ».

Saviez-vous qu’à La Résidence des Trois Portes, résidents et personnes en accueil de jour se partagent la maison ? Que la philosophie de Montessori inspire cet espace de vie ? Mais qu’est-ce que cela change ? Interview de sa directrice Evelyne Berlani. La Résidence des Trois Portes est soumise à la CCT depuis le 1er janvier 2013.

 Quelle est la spécificité de votre EMS ?

Je réponds sans hésiter sa population et sa philosophie. Notre Résidence des Trois Portes comporte douze résidents et un foyer de jour spécialisé dans la psychogériatrie pour des personnes ayant un diagnostic de démence.

Ces personnes arrivent donc le matin et repartent le soir ?

Notre objectif est le maintien à domicile dans de bonnes conditions. Notre prise en charge doit aider le patient et soulager ses proches ; c’est souvent très lourd pour la famille. Suite à sa demande d’admission, je le visite chez lui et je conviens avec son entourage du nombre de jours où il se rendra chez nous et des horaires. Nous nous adaptons au rythme de chaque individu.

Qu’offrez-vous comme activités à ces patients ?

Nous les stimulons aux gestes du quotidien pour préserver leur autonomie. Ils aident à mettre la table, plier des serviettes, laver des verres ou des services pour ne citer que ces exemples. Nous planifions aussi des ateliers et des activités pour exercer leur motricité fine, leur mobilité physique et favoriser les contacts sociaux car ces personnes ont tendance à se replier sur elles-mêmes avec la maladie. Notre art-thérapeute travaille avec le dessin, la peinture ou le collage. Les assistantes socio-éducatives animent différents ateliers par jeux de catégorisation, la cuisine, la musique et autres selon les besoins spécifiques.

Comment se déroule la cohabitation avec les douze résidents ?

C’est là que je vous parlerai de notre seconde spécificité. Dans notre lieu de vie, nous appliquons la philosophie de Montessori adaptée par le professeur Cameron Camp pour les personnes adultes souffrant de troubles cognitifs. Concrètement, nous considérons que les résidents sont chez eux. Les meubles sont de leur époque, la cuisine est au centre de la maison afin qu’ils puissent participer à l’élaboration des repas. Le frigo toujours ouvert et la boîte à biscuits à disposition. C’est leur maison. Le personnel est considéré comme un « visiteur » et n’est qu’un « soutien ». Nous refusons de réveiller tout le monde à 6 heures du matin pour que la toilette soit finie à 9 heures selon notre planning. Chaque jour est une nouvelle organisation. Si une personne désire rester en pyjama toute la matinée, quel est le problème ? nous nous adaptons au rythme de chacun. Pour répondre à votre question, les résidents, qui sont donc chez eux, accueillent les bénéficiaires du foyer de jour comme des invités. Cela se passe parfaitement bien, cela crée des liens sociaux et une belle solidarité.

Pourquoi exactement ?

Il est important de savoir pourquoi on se lève le matin et cela à tout âge. L’humain a besoin d’être reconnu et valorisé. Mettre la table n’est pas un pensum, mais la reconnaissance qu’ils sont encore capables de faire quelque chose d’utile. Nous les consultons régulièrement sur ce qu’ils désirent. Et je partage parfois mes soucis de directrice avec des résidents Ils ont aussi eu une vie professionnelle avec des responsabilités. Ils ont de l’expérience et de la sagesse. Pourquoi s’en priver ?

D’autres établissements suivent la philosophie de Montessori ?

Il me semble que cela commence à intéresser d’autres structures mais il est évident que plus l’établissement est grand et plus cela prendra du temps pour mettre en place cette philosophie d’accompagnement. Il s’agit de former l’ensemble du personnel, de se déprogrammer des habitudes et croyances acquises depuis de nombreuses années pour certaines. Généralement, le personnel soignant est beaucoup « dans le faire à la place » pour aller plus vite et convaincu de rendre service. Chez nous, l’accompagnement vise le maintien de l’autonomie et cela demande de prendre le temps pour que la personne âgée puisse exécuter elle-même chaque acte qui la concerne.

Et si un résident ou une personne en foyer désire aider le cuisinier ?

C’est possible. Tout le monde est formé à notre philosophie, y compris le cuisiner et les aides-soignants. Ils peuvent brasser une sauce, couper les carottes ou proposer une recette. Ils sont chez eux. Et la table reste l’activité conviviale par excellence.